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COULEURS

Avons-nous donc commis une action étrange ?

Explique si tu peux mon trouble et mon effroi Je frissonne de peur quand tu me dis "Mon ange" Et cependant je sens ma bouche aller vers toi

Ne me regarde pas ainsi, toi ma pensée ! Toi que j'aime à jamais, ma sœur d'élection Quand même tu serais une embuche dressée

Et le commencement de ma perdition

Quand même tu serais une embuche dressée

Et le commencement de ma perdition

Qui donc devant l'amour ose parler d'enfer ?

Maudit soit à jamais le rêveur inutile Qui voulut le premier, dans sa stupidité, S'éprenant d'un problème insoluble et stérile, Aux choses de l'amour mêler l'honnêteté !

Celui qui veut unir dans un accord mystique L'ombre avec la chaleur, la nuit avec le jour, Ne chauffera jamais son corps paralytique

A ce rouge soleil que l'on nomme l'amour

On ne peut ici-bas contenter qu'un seul maître

Mais l'enfant épanchant son immense douleur Cria soudain "Je sens s'élargir dans mon être Un abîme géant, cet abîme est mon cœur" Brûlant comme un volcan, profond comme le vide

Rien ne rassasiera ce monstre gémissant

Et ne rafraîchira la soif de l'Euménide Qui, la torche à la main, le brûle jusqu'au sang

Que nos rideaux fermés nous séparent du monde Et que la lassitude amène le repos Je veux m'anéantir dans ta gorge profonde

Et trouver sur ton sein la fraicheur des tombeaux

Descendez, descendez, lamentables victimes

Descendez le chemin de l'enfer éternel

Plongez au plus profond du gouffre où tous les crimes Flagellés par un vent qui ne vient pas du ciel Jamais un rayon frêle n'éclaira vos cavernes

Par les fentes des murs, des miasmes fiévreux Filtrent en s'enflammant ainsi que des lanternes Et pénètrent vos corps de leurs parfums affreux

C'est votre destin, à vous désormais De trier l'infini que vous portez en manteau "Hippolyte, cher cœur, que dis tu de ces choses ?

Comprends-tu maintenant qu'il ne faut pas offrir L'holocauste sacré de tes premières roses Aux souffles violents qui pourraient les flétrir ?

Hippolyte, ô ma sœur !

Tourne donc ton visage Toi, mon âme et mon cœur, mon tout et ma moitié

Tourne vers moi tes yeux pleins d'azur et d'étoiles !

Pour un de ces regards charmants, baume divin

Des plaisirs plus obscurs je lèverai les voiles

Et je t'endormirai dans un rêve sans fin"